Royan

Royan, ville phare de la Côte de Beauté, située à l'entrée de l'estuaire de la Gironde, est un témoin unique de l'évolution du tourisme balnéaire et de l'architecture moderne. Il s'agit d'une ville remarquable pour qui souhaite la découvrir.

La naissance d'une ville

Le site est occupé dès la préhistoire mais c'est surtout pendant la période gallo-romaine que se développe la région, à travers la culture de la vigne, l'élevage des huîtres et la technique des marais salants. Bénéficiant d'une position géographique favorable, Royan devient un petit port de pêche, siège de plusieurs prieurés au Moyen-âge.

Une ville tiraillée entre la France et l'Angleterre

Sous le contrôle du Duché d'Aquitaine puis du Roi de France Louis VII, Royan devient possession anglaise à l'occasion du mariage d'Aliénor d'Aquitaine et d'Henri Plantagenêt, en 1152. La ville reste anglaise suite au Traité de Paris de 1259 qui met fin à la guerre entre les Plantagenêt et les Capétiens.

Sa position de carrefour stratégique et économique lui vaut d'alterner les influences anglaises et françaises à de nombreuses reprises pendant la Guerre de Cent ans (1337-1453). Elle devient au fil du temps une place puissante, dynamisant le commerce entre Bordeaux et les Anglais. En 1355, le Prince Noir occupe la Saintonge et y construit le premier phare de Cordouan. Au terme du conflit, la Saintonge ruinée devient définitivement française.

 
Royan après le siège de 1622

Au XVIème siècle, les guerres de religion touchent durement la région. Le site, majoritairement protestant est une des places de sûreté huguenote concédée par l'Edit de Nantes en 1598. Il est assiégé par les troupes royales menées par Louis XIII, lancées contre la rébellion protestante. Richelieu rase la ville en 1631.C'est la première destruction de Royan, qui mettra cent ans à se relever.

< Royan détruit une première fois, après le siège de 1622, d'après Tassin (B.N., Cabinet des estampes VA 17 tome 6)

 
 

Les bains de mers et les années folles

Sous l'Empire, dès 1810, le petit village de pêcheurs découvre la mode des « bains de mer », importée par les Anglais. Un bouleversement pour la ville et ses habitants. Royan devient la villégiature des Bordelais et des Charentais, grâce à un service régulier assuré par les premiers bateaux à vapeur. La côte se densifie, une société aristocratique émerge. Un entrepreneur bordelais, Jean Lacaze, investit les dunes de Pontaillac et y construit sa demeure en 1856. Il pose les fondations du premier lotissement balnéaire, constitué de villas, ouvertes vers la mer. Un second lotissement, Le Parc, de style plus parisien, puis celui de l'Oasis en 1893, conférera à Royan son statut de ville de villégiature.

Avec l'apparition des premières cabines de bains, on voit l'aménagement du front de mer et le développement de boutiques, sur l'emplacement de l'ancienne citadelle de Foncillon. Le premier casino est construit en 1844 par les ingénieurs Lessore et Botton. La ville est alors une station balnéaire d'envergure qui ne va cesser de s'accroître avec l'arrivée en 1875 du premier train direct en provenance de Paris. Le « Tout-Paris » se presse à Royan, station huppée, luxueuse, de renommée internationale.

 

Un second casino est édifié par Alfred Duprat en 1885, sur la plage de Foncillon, augmentant considérablement la fréquentation de la station. Elle voit la côte se couvrir d'hôtels, de villas, toujours plus exubérantes les unes que les autres. Des chalets en dur, de style montagnard font leur apparition, supplantés peu à peu par les cottages, d'inspiration anglo-saxonne. A la fin du XIXème siècle, les castels, sur le modèle castral sont les témoins la diversité de l'architecture balnéaire. Le plus grand casino de France est construit en 1895 par Gustave Redon, véritable manifeste de l'inspiration baroque et de l'éclectisme du XIXe siècle. Royan est en fête : des bals, expositions, concerts animent les soirées des estivants.

 
villa les mouettes à Royan

Villa « Les Mouettes » © M.Chaigneau

 
 
Affiche Bains de mer Garetto, 1929

Après la guerre de 1914-1918, l'activité balnéaire reprend. En 1922, Royan est classée « station climatique d'été », cela intensifie encore sa notoriété. Face à un tel engouement, la municipalité décide de moderniser le centre-ville. Les studios de cinéma Émile Couzinet s'installent en 1930, plus de cinquante films sont tournés à Royan.

On ne compte plus les artistes qui viennent y séjourner tels Sacha Guitry, Yvonne Printemps, Jacques-Henri Lartigue ou encore Pablo Picasso qui installe son atelier dans la villa Les Voiliers. Il séjourne un an à Royan où il peint plusieurs chef d'œuvres parmi lesquels sa Femme nue se peignant ou encore son célèbre Café des bains déformé et recomposé de multiples formes anguleuses, témoin des sentiments du peintre à l'approche de la guerre.

< Affiche « Bains de mer- Garetto, 1929 » © Musée de Royan

 

Royan anéantie

Pendant la deuxième guerre mondiale, Royan se retrouve une nouvelle fois à un carrefour stratégique. La ville en zone occupée est intégrée aux défenses du Mur de l'Atlantique. Les allemands restés dans la ville sont encerclés par les résistants. C'est la Poche de Royan qui dure 8 mois. Le 5 janvier 1945, deux vagues de bombardiers alliés larguent plus de 1600 bombes sur le centre-ville. Puis les 14 et 15 avril, un deuxième assaut est lancé, expérimentant l'utilisation massive de bombes au napalm. Royan est déchiquetée, ruinée, anéantie. La « Perle de l'océan » n'est plus.

Royan se relève de ses cendres

Je veux que Royan ne soit pas une ville couchée, mais une ville debout (Max Brusset, 1953)

Au lendemain de la guerre, Royan devient un véritable laboratoire de recherche, sous l'égide du Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme qui vise à reconstruire rapidement les villes détruites en utilisant les techniques les plus innovantes.

Le projet d'aménagement est confié en 1947 à l'urbaniste bordelais Claude Ferret, qui fait appel à une équipe de jeunes architectes visionnaires désireux d'ouvrir la cité à la nouvelle civilisation du tourisme. Il souhaite une ville moderne, fonctionnelle, lumineuse et aérée, et dessine un plan adapté à la géographie du lieu. Les premiers travaux débutent sur le boulevard Aristide Briand qui conserve une orientation classique héritée des beaux-arts et néo-régionaliste.

Ville phare de l'architecture moderne

 

 

En 1947, la découverte du travail du brésilien Oscar Niemeyer pour la cité balnéaire de Pampulha marque un tournant capital pour les architectes de la Reconstruction. Les grandes lignes droites, les volumes, sont adoucis par des surfaces ou des lignes courbes. Les villas se parent de toits-terrasses, de claustras, persiennes, brise-soleils, escaliers extérieurs. La lumière transperce les murs de béton par le biais de briques de verre.

Villa La Rafale dite « Boomerang » © Ph Souchard >

 
Villa La Rafale dite « Boomerang » à Royan,  photo Ph Souchard
 

Des îlots collectifs et des maisons individuelles sont bâtis, créant une architecture homogène. Cet ensemble urbain résidentiel répond pleinement aux exigences de confort et d'hygiène de l'époque.

 
vue intérieure de l'église notre dame à royan

L'équipe de Claude Ferret conçoit en outre, des bâtiments publics remarquables, utilisant des techniques de création novatrices, telles que celle du voile de béton, les structures précontraintes ou les panneaux préfabriqués de Jean Prouvé. On peut noter en particulier le marché central et sa forme de coquillage, réalisé par Louis Simon et André Morisseau, le Casino-rotonde et le Palais des Congrès, conçus par Claude Ferret et enfin l'église Notre-Dame, par l'architecte Guillaume Gillet et les ingénieurs Bernard Lafaille et René Sarger.

< Intérieur de l'église Notre-Dame © Ph Souchard

 
 

Cet habitat fonctionnel et moderne est meublé avec du mobilier à la fois esthétique et pratique, produit de façon industrielle. Ce design est réalisé avec des matériaux innovants : contreplaqué moulé, acier, polyester, formica, rotin. Témoins de cette période faste, la céramique et la tapisserie trouvent à Royan un terrain propice à leur développement.
Royan devient selon la formule de Jacques Lucan en 1986 dans Architecture, Mouvement, Continuité, la ville « la plus cinquante de France » développant une architecture caractéristique. Ce mélange d'Art Déco, d'influences brésiliennes « tropicalistes » et de régionalisme saintongeais sera appelé l'école de Royan.

 
Détail d'une villa 50 à Royan

Détail villa © Ph Souchard

 
 

C'est dans cette ambiance de renouveau que le Festival international d'art contemporain démarre en 1964. La musique est au cœur de l'évènement, mais on y voit également de la danse, du théâtre et des arts plastiques. Le premier concert se déroule en l'Eglise Notre-Dame avec le soutien d'Olivier Messiaen. Le festival acquiert rapidement une grande renommée et contribue à l'essor de la musique expérimentale européenne. De nombreuses œuvres sont créées par des artistes tels que Karlheinz Stockhausen, Iannis Xenakis, Michel Portal. Royan accueille aussi des ballets de réputation internationale, comme Le ballet du XXe siècle de Maurice Béjart, des chorégraphies d'Alvin Ailey, le Théâtre du Silence de Jacques Garnier et Brigitte Lefèvre.

« Tristan et Yseut », ballet du XXe siècle © Max Péraudeau >

 
Tristan et Yseut, ballet du XXe siècle
 

Une prise de conscience patrimoniale prend lentement forme à Royan au cours des années 1980, alors que la municipalité de l'époque prenait la décision de détruire deux monuments emblématiques, le casino du centre ville et le portique du front de mer, et de modifier la façade principale du palais des congrès.

Une ville en mouvement

En 1985, à l'occasion des Rencontres Internationales de l'Environnement et de la Nature (RIENA), les consciences s'éveillent sur la nécessité de préserver le littoral exceptionnel de Royan et sa biodiversité dû à la position géographique de Royan, entre mer et marais. Certains sites, tels les conches, les falaises et les marais sont recensés comme remarquables. Des associations sont créées afin de préserver et consolider la richesse du patrimoine maritime. Les passionnés préservent les pratiques côtières, en partageant leurs connaissances de la pêche au carrelet, du balisage, de la navigation.

Plusieurs combats ont été menés en ce sens, notamment avec le collectif Une pointe pour tous qui s'est engagé contre le projet de port méthanier au Verdon. Un combat remporté et une volonté intacte de préserver l'aspect naturel de l'estuaire. Pour valoriser ces sites et l'architecture moderniste de Royan, une zone est classée Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP) en 1996 et devrait bientôt être révisée en Aire de Mise en Valeur du Patrimoine (AMVAP), selon la nouvelle législation.

Royan Vue de la mer, photo M. Chaigneau

Vue de la mer ©M. Chaigneau

Attaché à son héritage historique et architectural, Royan développe une politique artistique et culturelle active, dans la lignée du Festival d'art contemporain, avec des expositions d'art plastique, des manifestations d'art vivant, théâtre, musique, arts de la rue.

Au mois de juillet, c'est sur la plage que se déroule Un Violon sur le Sable qui présente depuis 1987 un orchestre symphonique ayant l'océan pour toile de fond. En 2008, la première édition de Lectures de Ville amène la culture au plus près des publics de façon festive et participative. En mariant le spectacle vivant et le patrimoine, le festival crée un espace propice à la création, ouvre un temps de rencontre d'œuvres et d'artistes.

Pendant deux éditions, en 2009 et 2010, grâce aux Grandes Traversées, l'art contemporain a investi les sites urbains et naturels, de la Charente-Maritime à l'Aquitaine, créant une interaction entre artistes, espaces et spectateurs.

 

L'ouverture à la culture étant essentielle, la Ville développe des lieux d'exposition comme le Musée de Royan qui retrace l'histoire de la cité et qui présente également un panorama du design des années 1950. En Galerie de Seudre au Palais des Congrès, sont abordées les questions d'architecture contemporaine et la photographie.

Plusieurs autres galeries, accueillent des expositions d'art plastique, en particulier la galerie des Voûtes du port dédiée à l'art contemporain. Le Centre d'Art Plastique et l'association Captures favorisent cet accès à l'art contemporain par le biais d'expositions mais aussi par l'organisation de résidences d'artistes, permettant au public de partager le processus de création.

 
vue intérieure du musée de royan

Musée de Royan © Ph Souchard

 
 

Royan retrouve ainsi son statut de ville laboratoire où les questions de l'art, de l'architecture, de l'urbanisme et du design apportent une liberté de création inédite. De nombreux projets sont en cours, en particulier les festivités du 400ème anniversaire de l'allumage du phare de Cordouan à l'été 2011 pendant lesquelles des expositions, spectacles musicaux et pyrotechniques retraceront l'histoire du Roi des Phares et des phares de l'estuaire.

Cette politique en adéquation avec le monde contemporain, en résonnance avec son passé d'avant-garde, tournée vers l'avenir, lui vaut aujourd'hui l'obtention du label Ville d'Art et d'Histoire, reconnaissance officielle des richesses de son patrimoine et du potentiel attractif de la ville.

Bibliographie

  • Histoire de Royan et de la presqu'île d'Arvert, Guy Binot, Le Croît vif, 1994
  • L'invention d'une ville, Royan années 50, Gilles Ragot, Les Cahiers du patrimoine, éditions du patrimoine-Monum', 2003
  • Guide architectural Royan 1950, Antoine-Marie Préaut, Bonne Anse 2006
  • Royan années 50, Parcours d'architecture du XXe siècle, Conseil d'architecture d'urbanisme et de l'environnement de la Charente-Maritime, 2000
 

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