Les affiches, laboratoire des styles

Au XIXème et au XXème siècle, beaucoup d’artistes français se consacrent à l’Art Publicitaire dont le style évolue avec les différents mouvements artistiques de cette époque, de l’Art Nouveau à l’Art Déco. 

Toulouse-Lautrec figure parmi les précurseurs en la matière. D’autres s’essaient aussi à ce genre qui permet toutes les fantaisies parallèlement à une diffusion rapide et étendue.

Les sujets sont essentiellement féminins, tout au long de la période et jusqu’à aujourd’hui.

A la fin du XIXème siècle, au moment du développement de l’affiche, il se créera même un archétype, la "chérette", du nom de son Pygmalion Jules Chéret, l’inventeur de l’affiche publicitaire, qui présente le type d’une jeune femme vive et gaie. Son charme aide à vanter toutes sortes de produits, y compris des occupations plutôt masculines comme fumer ou boire. Chéret, le premier, a compris que la femme pouvait avoir un impact psychologique commercial non négligeable. Il les aimait chatoyantes, séductrices, insaisissables. Un autre artiste, Cappiello, représente la féminité de façon plus charnelle et procède par de grands aplats de couleur suggestifs.

 
Numéro 4

L’affiche n°4 fournit un exemple probant, proche de Capiello, avec une silhouette féminine courbée, présentée de dos pour nous permettre d’entrer avec elle dans le paysage balnéaire.

 
 

La femme de Capiello a un buste généreux, une taille de guêpe, et s’inscrit dans une forme sinueuse, cambrée, en mouvement. Ce sont ces deux types féminins qui vont servir de référence visuelle à toute la création du tournant du XIXème siècle.

Pour sa campagne de promotion de Royan, Victor Billaud fait appel à Gustave Fraipont, un célèbre illustrateur connu pour toujours placer une fleur en premier plan (affiche n°7) : ici, un iris et un coquelicot. Son style est aussi reconnaissable par une mise en page sous forme de bulles paysagères jouant sur les perspectives et sur les moments diurnes et nocturnes. Cette bivalence s’exprime également quarante ans plus tard sur l’affiche n°12 de Garetto qui sépare en deux parties son œuvre pour illustrer les deux moments forts de la vie balnéaire, le jour et la nuit. Entre les deux Guerres Mondiales, l’Occident est préoccupé par les rapports entre production et consommation. Les artistes cherchent à donner une image monumentale et fascinante de l’objet. Le style Art Déco, fils du Cubisme, permet l’élaboration d’un nouveau langage de l’affiche qui réduit l’objet à son signe et, au terme de simplifications successives, aboutit à l’abstraction.

 
Numéro 7

Affiche numéro 7

 
Numéro 12

Affiche numéro 12

 
 
Numéro 13

Affiche numéro 13

 

Garetto (Affiche n°12) est un artiste reconnu à la fin des années 20 et pendant les années 30.

Ses productions reprennent le style Art Déco. Il dessine notamment pour Air France.

Son style, dans le plus pur courant monumental et synthétique, est reconnaissable avec un dessin géométrique et soigné. Il manie allègrement la symétrie et joue sur les oppositions.

La construction de la composition semble atteindre un paroxysme qui constitue le principal élément stylistique de ses œuvres.

Pendant la crise des années 30, le style publicitaire se diversifie.

L’affiche n°13 affirme un style cubiste «lyrique», issu de Cézanne, dans la représentation du paysage, pendant que les lignes se standardisent et s’affinent sur les silhouettes.

 
 

Au contraire, l’affiche n°14, vantant « le paradis des enfants » à St Georges de Didonne, joue sur les modelés des chairs, la rondeur des formes. Cette manière est plus conforme à la vogue illustratrice des livres pour enfants de l’époque. Elle est sans doute adaptée à la « cible publicitaire » choisie pour cette campagne, en l’occurrence les parents d’enfants en bas âge. L’affiche n°15 devient plus nostalgique. Elle mélange, à la veille de la seconde guerre mondiale, le style « Dufy » des stations normandes du début du XXème siècle et une lumière charentaise intense. L’illustrateur a sans doute voulu évoquer l’ambiance intemporelle, idéale, sans prise avec les incertitudes de la fin des années 30, de la cité balnéaire pourtant bientôt rattrapée par l’histoire et la guerre.

 
Numéro 14

Affiche numéro 14

 
Numéro 15

Affiche numéro 15

 
 

Photos par Didier mauléon