Orgue de mer- Orgue de terre : une sculpture musicale
L’Orgue de bois est une création de Denis Tricot et Eric Cordier
Notre Orgue, sur un territoire, crée un espace. Il est un lieu au coeur d’un lieu, un lieu qui rassemble en une oeuvre commune les productions gestuelles, sonores des pratiquants, leurs langues aussi. Tout le monde y est attendu, le monde venant de partout, chargé de toutes ses richesses pour les partager là et créer là le beau discours de l’écoute, de l’échange et de l’attention à l’autre. Chaque instrument est unique, conçu pour le lieu qui le reçoit. Il se développe à l’échelle d’un paysage, d’une architecture, d’une rue, d’une ville...
De la lutherie
L’instrument est indiscutablement « à corde » et monté classiquement comme tel avec un cordier, un chevalet, un système tenseur et une table d’harmonie qui est constituée ici de fines lattes de peuplier, six ou sept, de neuf à cinquante mètres de longueur, voire plus si nécessaire. Ici, la particularité organologique consiste à relier le bout des lattes à un second cordier avec des cordes de guitare. Les vibrations sonores de l’ensemble de la construction sont récupérées par des capteurs et ensuite amplifiées et diffusées. Nous pouvons donc obtenir des sons de cordes, et même de cordes longues (quatre à huit mètres), de métal (support de l’Orgue et chevalet) et de bois.
Un territoire sonore
L’Orgue de bois définit un espace particulier dans un lieu, un espace délimité par les « fils de bois » suspendus qui le constituent. Comme dans une forêt sonore on peut traverser, trouver des itinéraires ou camper. On engage des parcours uniques ou répétés en solo, parallèles ou croisés avec des partenaires. Parcours jalonnés de tâches comme frapper, tapoter, agiter, frotter, gratter, pincer, entrechoquer, mais aussi : chanter, vocaliser, crier, parler, lire…Il est possible aussi de se laisser aller à la promenade improvisée et inventive.

Les actions, les gestes
Avec l’Orgue, comme avec tout instrument de musique les sons et leurs modulations sont la conséquence de gestes. La monumentalité et la mobilité de la sculpture suspendue autorisent une gamme de gestes infinie. L’instrument ne contraint pas, il autorise, engage, stimule, provoque. On commence par une action caractéristique (trois petits coups…) pour se retrouver dans le haut-parleur. On peut alors modifier le geste, suivre de l’oreille l’évolution de sa production, engager une exploration des différentes possibilités de l’instrument dans ses différentes zones et jouer avec des intentionnalités choisies. On agit à mains nues sur le bois ou les suspentes ou avec les « outils » classiques du musicien (archets, mailloches, baguettes) ou avec d’autres à inventer et tester (brosses, cartes téléphoniques, grattoirs divers) comme pour un instrument « préparé ».
Un espace de création transversale en commun
La dimension de l’instrument permet le jeu à plusieurs, offrant des espaces de jeu fixes ou des déplacements générant des sons. S’écouter, agir sur le son, maîtriser et affiner son geste de production ne va pas sans écouter les partenaires, engager des dialogues, relations, symétries, produire contrastes et répétitions… Jouer ensemble est naturel dans l’Orgue qui est une architecture à habiter en groupe. Cela peut s’organiser de bien des façons. L’approche de la création et de la composition est immédiate car il y a toujours sons à produire dès la première expérience.
Le travail de l’écoute de soi et des autres, la relation à la gestuelle de la production sonore, la mise en jeu et la composition à plusieurs font de l’Orgue de bois un outil pédagogique de la pratique musicale dès l’âge de 4 ans.

La magie de l’objet d’art
L’Orgue est un instrument de musique monumental mais il est aussi une sculpture qui doit fonctionner comme toute oeuvre et offrir la petite magie qui provoque l’attachement particulier à l’objet d’art. La sculpture bouge, balance dans une connivence avec la musique produite, engage le corps à se mobiliser dans une interaction puissante du fait de l’échelle largement au dessus l’échelle humaine. Le visuel précède le sonore dans l’approche de l’instrument et enrichit l’appréciation de la musique produite. La vaste construction qui correspond à l’espace de production sonore devient protection et «autorise » l’expérimentateur à prendre des libertés avec ses blocages. L’instrument forge son identité et bâtit sa relation avec chaque pratiquant. A chacun de vivre sa rencontre avec l’outil à la mesure de son engagement.
De la virtuosité
Tout le monde est débutant avec cet instrument nouveau et non répertorié mais tout le monde est en mesure de jouer immédiatement. C’est la curiosité, l’écoute, la concentration et le goût du geste et de la musique qui sont nécessaires. L’aptitude à se mobiliser avec vélocité, la précision du geste, la dissociation ne sont pas des qualités déterminantes. Le joueur d’Orgue de bois n’est pas un champion, c’est un passionné.