Vaux-sur-Mer : les années 1939-1945.
3 septembre 1939
La mobilisation générale est déjà annoncée par voie d'affichage.
"Ça ne va pas durer longtemps" disent les Anciens.
Un soldat (Camps du Prats le 4 septembre 1939) écrit à sa mère…
Chère Maman, rien de nouveau à notre situation. Nous sommes toujours là. Il se dit beaucoup de directions de départ : l'est, la frontière italienne et, dernière nouvelle, la Turquie. Nous ne savons rien de précis. C'est toujours la vie monotone des départs sans une défaillance.

23 juin 1940
Les Allemands sont là.
Ils abattent murs et clôtures pour frayer un passage aux camions. Les motorisés laissent sur place caisses et bidons de fuel. Quelques jours plus tard la cavalerie les remplace occupant l'école, maisons et hangars. L'armée occupante réquisitionne tout ce dont elle a besoin.
La colonie sanitaire "L'Enfant au Grand Air" de Malakoff est totalement occupée par les troupes allemandes qui l'utilisent comme cantonnement. Les préaux servent d'écuries.
Les matinées sont consacrées aux exercices, les après-midi à faire courir les chevaux au bord de la mer.

Après le premier hiver, les cartes d'alimentation apparaissent. Par la suite, les taxes et autres "contributions indirectes" se multiplient.
1941-1944
La défense passive s'installe. La résistance travaille dans l'ombre : sabotage de la ligne de téléphone à Jaffe, passage de documents dans une pompe à vélo, transport de matériel radio, liaisons entre les divers groupes de résistants… Parfois la jeunesse des patriotes leur fait oublier le danger toujours présent. Les Allemands qui gardent les barrières aux entrées et sorties de villes se laissent parfois amadouer par quelques victuailles. De malins petits drôles arrachent les "asperges de Rommel", gros pics de bois de 3 à 4 mètres de longueur qui, enfoncés dans le sable des plages, servent de défenses contre d'éventuels débarquements alliés. Les gamins sont vivement réprimandés par la Gestapo. D'autres savonnent les rails du tramway qui sert à transporter le matériel.
Les hommes avec leurs charrettes à cheval sont réquisitionnés pour aller chercher du bois dans la forêt de La Coubre. Celui-ci sert au chauffage mais aussi à la fabrication des fameuses "asperges".
Hitler charge l'organisation Todt (génie) de créer une ligne fortifiée des Pays-Bas à l'Espagne. Les Allemands construisent le Mur de l'Atlantique. Des blockhaus sont construits sur le front de mer. Des Vauxois sont requis par le STO (Service de Travail Obligatoire) et mettent peu d'ardeur à la tâche. Parfois, ils étayent mal l'échafaudage d'un blockhaus qui s'effondre au moment de couler le béton.
Les réquisitions continuent...
Les Allemands réquisitionnent de plus en plus, si bien qu'un jour de 1942, la municipalité décide qu'elle n'est plus en mesure de fournir à un rythme aussi accéléré les bovins nécessaires au ravitaillement et en diffère la remise. A l'époque, le cheptel communal s'élève à 105 têtes de bétail.
La Standortkommandantur de Royan qui a ses quartiers à Foncillon puis au Golf Hôtel, fait évacuer vingt trois villas de la Falaise et une maison du bourg. Une dizaine d'autres sont arasées pour construire les batteries Merkle à Malakoff et Kasuar au Fief des Peignées, entre la baie de Saint Sordelin et celle du Conseil. La batterie Kasuar est armée de six pièces de 114 sous casemate.
De nos jours, les traces en sont encore visibles.
... et la défense s'installe
La ferme de Pontaillac est occupée par une batterie hippomobile, tandis que la résistance parvient malgré tout à se servir d'un vieux poulailler pour cacher à un dépôt d'armes légères chez Léonce Pitard.

Sur la butte de Mouilleron (Pontaillac), trois faux canons en bois donnent le change à l'ennemi. Une mitrailleuse est installée en face de l'église, trois canons sont placés face au stade, c'est la DCA du Pas de Roquille. Une première ceinture de mines part des routes de Nauzan, Courlay et Bernezac jusqu'à Jaffe.
Une ceinture intérieure autour des Hautes Folies délimite les terrains militaires allemands. Deux Allemands perdent la vie en les posant, ainsi qu'un Vauxois en rentrant chez lui. Après les débarquements alliés du 6 juin 1944 en Normandie et du 15 août 1944 en Provence, l'armée allemande est prise en tenaille. Alors les Allemands décident de créer les " Poches de l'Atlantique" pour gêner les Anglais et les Américains. C'est ainsi que naît la Poche de Royan qui inclut Vaux-sur-Mer.
Des premiers bombardements à l'évacuation
En septembre 1944, les Canadiens arrivés d'Angleterre brûlent des bateaux dans la Gironde et détruisent la DCA du Pas de Roquille. Le 22 novembre 1944, par ordre des autorités d'occupation, des civils sont désignés pour être évacués par un des trains qui partiront soit le vendredi 24 de la gare de Royan, soit le lundi 27 de la gare de Médis.
Après cette évacuation, il ne reste plus que 160 habitants sur 630 à Vaux-sur-Mer.
Ordinairement, trois vieux "Morane" retapés viennent plafonner à 6000 mètres au-dessus de Royan et la DCA allemande ne prend même pas la peine de les canonner. En décembre il n'en reste plus qu'un qui disparaît. Les Allemands affirment qu'ils les ont abattus.
Peu après, vingt trois bombardiers moyens attaquent en piqué Suzac et St-Georges - Vallières, réduisant à néant deux batteries, faisant neuf morts allemands mais démolissant 72 maisons à St Georges.
Ils sont appuyés par les canons FFI. Puis c'est successivement Belmont, Jaffe, Malakoff (2 fois) et Pontaillac.
Bombardement de jour et toujours sur des objectifs militaires signalés et repérés.
De plus, la nuit du jeudi au vendredi est marquée par le ronronnement du Postal allemand qui vient parachuter sur les arrières de la caserne Champlain les lettres et les médicaments.
Le 18 janvier 1945, une nouvelle évacuation des civils est organisée. Les Vauxois patientent devant la mairie, les pieds dans la neige.
Les cars qui doivent les prendre n'arrivent pas. Finalement, ce n'est que le 25 janvier qu'ils montent à bord de trois cars à destination de la gare de Saujon où un train les attend.
En février 1945, par ordre de la Platzkommandantur deux cents vélos doivent être fournis dont dix par la ville de Vaux. Il ne doit s'agir que de vélos hommes ou dames en bon état de fonctionnement. Au cas où le nombre ne serait pas atteint tous les vélos de la forteresse de Royan seront réquisitionnés.
Nuit du jeudi 4 au vendredi 5 janvier 1945
Cérémonial ordinaire : vrombissement de l'avion.
C'est l'avion postal, pas la peine de se déranger.
Il est 4h10 du matin, Royan est bombardé. Une première vague de 350 bombardiers Lancaster de la Royal Air Force larguent des bombes dont la plupart sont explosives et pèsent 250 kilos.
Ce bombardement dure environ vingt minutes. A 5h20, des avions sillonnent à nouveau le ciel et déversent des fusées éclairantes avec une telle prodigalité qu'aucun doute n'est permis. Il faut subir une seconde distribution ! Et pendant trente minutes c'est l'enfer. Des bombes de mille kilos parachèvent l'œuvre de destruction commencée cinquante minutes plus tôt. Le nombre de bombardiers est estimé à 300.
De Vaux-sur-Mer, il est possible d'apercevoir le ciel illuminé sans comprendre pour autant que Royan est en train d'être anéantie.
Les objectifs militaires de l'armée occupante sont peu atteints, en revanche 300 Royannais sont morts. Ce n'est que le soir que la nouvelle parvient à Vaux-sur-Mer. Alors, certains Vauxois commencent à construire des abris.