Regard sur une vie

Paul Dyvorne :

Travailleur infatigable, intelligence d’élite, citoyen dévoué à sa ville d’adoption...

 

Qui aurait pu imaginer que Pierre-Victor Billaud, né le 19 juin 1852 (Acte de naissance de Victor Billaud à télécharger), dans une modeste maisonnette de paysans de Saint-Julien-de l’Escap, deviendrait un jour une grande figure royannaise ? Alors qu’il n’est encore qu’un jeune écolier doué d’une intelligence très vive, il se fait remarquer par René Coutanseau, un notable du village, qui le prend sous sa protection quand son père, Jacques Billaud, décède prématurément. Chez lui, il rencontre le poète angérien André Lemoyne et se nourrit des conversations où l’on parle littérature et politique. Grâce à Coutanseau, il rejoint le collège Etournaud de Saint-Jean d’Angély. À 16 ans, on le trouve apprenti typographe, dans cette ville, chez l’imprimeur Eugène Lemarié. Travailleur acharné, il lit, se cultive et, à l’instar de Lemarié, s’intéresse aux sciences, à l’histoire et surtout à la poésie.

 
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Pierre Billaud,
archives départementales
de Charente-Maritime

 
 

En 1874, l’année de son mariage avec Noëmi Lemarié, il crée son premier journal, La Chronique charentaise, publie un recueil de poèmes, Frissons, suivi de Brises santones, l’année suivante. En 1876, il entreprend même de fonder une académie littéraire, les Muses santones, projet qu’il mène à bien, jusqu’en 1895.

 

Une énorme activité à Royan

Remarqué par Frédéric Garnier, maire de Royan, il vient s’installer dans cette ville, en 1877, avec sa femme et leur fils René, alors âgé de 2 ans.  Commence alors la longue période royannaise durant laquelle Billaud déploie une énorme activité. Il ouvre sa propre imprimerie et, dès janvier 1877, fait paraître le Phare Littéraire, journal qui connaît un médiocre succès. Nullement découragé, il le remplace par sa fameuse Gazette des Bains de Mer de Royan sur l’Océan, hebdomadaire qui se voue d’abord à la publicité de la station. En 1888 paraît son excellent Guide des Touristes. Entouré d’une grande famille - Noëmi lui donne encore trois enfants, Jeanne, Marguerite et Pierre - et rejoint par les Lemarié qui viennent habiter près de lui, il vit de son travail à l’imprimerie, de son journal et de sa publicité. Bras droit du maire, jouissant d’une grande notoriété, grâce à sa vaste culture il côtoie des personnalités du monde politique, artistique et littéraire, recevant l’éditeur Georges Charpentier, propriétaire du Paradou, le romancier Émile Zola, l’aquafortiste Desmoulin, le critique d’art  Théodore Duret, le banquier et amateur d’art Cernuschi et tant d’autres... Ce sont les belles heures de Royan et de Victor Billaud.

 
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Photographie de Victor Billaud
Coll. Jacques Daniel

 
Carricature de Victor Billaud

Caricature de Billaud par Barthélemy Gautier
Coll. Bibliothèque municipale de Royan

 
 

Les temps douloureux

S’il continue à écrire des poèmes, le Livre des Baisers (1879) ou Jeune Amour (1901), de lourds chagrins vont bientôt ternir ses vers ensoleillés. Il voit disparaître sa femme, en 1903, son ami Frédéric Garnier en 1905 et, comme ses typographes, son fils Pierre part sur le front, en 1914, pour cette guerre qui va ruiner son imprimerie et entraîner l’arrêt de la parution de la Gazette. C’est pendant cette période douloureuse qu’il écrit l’Épopée. Au retour de Pierre, tous deux s’efforcent de faire revivre l’imprimerie et le journal Royan, fondé en 1893, qui remplace peu à peu la Gazette. Mais Pierre décède des suites de la guerre, en 1928 et Victor Billaud, désemparé mais tenace, continue à assumer seul la direction du Royan. Il décède, le 10 janvier 1936, à 84 ans.

 
Saint-Jean-d'Angely

Saint-Jean d’Angély
emplacement de l’imprimerie Lemarié

 
Saint-Julien-de l'Escap

Saint-Julien de l’Escap
la rue Basse où naquit Victor Billaud

 
 

Si Victor Billaud n’a pas compté que des amis, à cause de ses prises de position politiques - républicain depuis toujours dans une Charente Inférieure longtemps bonapartiste, et laïc convaincu - tous ont reconnu en lui un homme intelligent et bon, aux idées ouvertes et généreuses. Ses proches et ses collaborateurs appréciaient son ardeur au travail, sa bienveillance constante mêlée d’une fine raillerie. Ses concitoyens l’appréciaient pour son dévouement au service d’une ville qu’il aimait avec ferveur, tout comme ce coin de Saintonge qu’il n’a cessé de chanter.

 
Croquis