Conclusion

Ce « parcours roman en Pays Royannais » permet de saisir l'occupation du sol à un moment de l'histoire, du XIe au XIIIe siècle, à l'aide d'une étude des sanctuaires, de leurs vestiges, des rares constructions civiles préservées et des documents écrits, hélas trop ponctuels et incomplets. La plupart des paroisses naissent entre le VIIIe et le XIIIe siècle, avec la renaissance carolingienne et le renouveau économique du XIe siècle, où la menace viking disparaît et où les seigneurs de la terre profitent du réchauffement climatique pour autoriser les défrichements, souvent confiés aux ordres monastiques. Le pouvoir, l'autorité armée du seigneur, s'allie à la foi, à la ferveur des moines et des populations christianisées, pour améliorer les techniques agraires et économiques, organiser les circuits commerciaux et favoriser les conditions de vie.

La présence de deux fleuves a permis de mettre en valeur cette région isolée par les grandes forêts de Salis et de la Lande. Les marais salants installés sur les rives de la Seudre ont profité du cabotage instauré sur la Garonne par les abbayes bordelaises de Saint-Seurin et de la Grande Sauve pour exporter le sel et développer les vignobles. Les nombreux moulins à marée installés dans les monards témoignent de l'abondante production de céréales et du rôle important de la pêche. L'Aquitaine des Plantagenêts a stimulé les échanges et la prospérité économique se poursuit jusqu'au début des guerres franco-anglaises en 1337 et la grande peste de 1348, où la région s'est désertifiée pour cinquante ans.

L'art roman se trouve essentiellement dans les églises construites entre le XIe et le XIIIe siècle, caractérisé par des voûtes de pierre en plein cintre d'héritages romain et carolingien, s'appuyant sur des murs épais avec de rares ouvertures. Les arcs doubleaux renforcent la voûte ainsi qu'un arc triomphal placé à la jonction de la nef et du transept. La croisée du transept est le plus souvent dominée par une coupole sur trompes que coiffe le clocher. La voûte d'arêtes permet un élargissement avec une meilleure répartition de la charge. Bientôt apparaît l'arc brisé. Mosaïques, fresques intérieures, sculptures sur façades et chapiteaux sont destinées à l'enseignement de la Bible pour les populations illettrées. Animaux fabuleux, monstres fantastiques d'inspiration orientale, personnages étirés des statues et des bas-reliefs doivent frapper les imaginations.

La mise en œuvre des voûtes sur croisées d'ogives caractérise l'art gothique ou ogival du XIIe au XVe siècle, technique apparue en Ile de France qui permet aux cathédrales de dominer les villes prospères. Le poids des voûtes est réparti sur de solides piliers et contrebalancé par les arcs boutants extérieurs. De grandes verrières et des rosaces percent les murs qui ne sont plus porteurs. Les vitraux remplacent fresques et mosaïques.
Victimes des guerres de Cent Ans et de Religion, aucune des églises du Pays Royannais n'est parvenue intacte jusqu'à nos jours. Beaucoup ont perdu leur façade, leur nef, leur clocher. Elles ont été maintes fois remaniées ou reconstruites par la suite. Les églises de Talmont-sur-Gironde, Mornac-sur-Seudre, Vaux-sur-Mer, Breuillet, Arces, Saint-Sulpice-de-Royan sont parmi les plus représentatives. Aucune n'est complète, mais il subsiste de nombreux éléments romans intégrés à des constructions postérieures, de style gothique ou classique, et il ne faudra pas hésiter à rendre visite à un édifice, ne serait-ce que pour un ou deux chapiteaux bien conservés.

Les dernières campagnes de rénovation du XIXe siècle ont donné aux églises du Pays Royannais leur aspect actuel. Une poignée d'architectes sont intervenus de façon très marquante, adoptant un style néo-roman ou néo-gothique dépouillé, dénué de l'élégance médiévale des clochers de Saintes et de Marennes. Sans doute la rigueur budgétaire a-t-elle bridé le talent des architectes ! C'est ainsi que, Aimé Bonnet de Saint-Jean-d'Angély, a dessiné les clochers-porches de Chenac (1866-1868), Les Mathes (1869), Mortagne-sur-Gironde (1870-1871) et Boutenac-Touvent (1878). L'architecte bordelais Gustave Alaux a œuvré sur les églises de Mortagne-sur-Gironde (1857-1860), Arces (1861-1863), Barzan (1875), Saujon (1877), Saint-Georges-de-Didonne (1877) et La Tremblade (1867-1893). Eustase Rullier, architecte du Pays saintais, est intervenu à Brie-sous-Mortagne, Semussac (1877) et Floirac (1883). Remercions-les d'avoir préservé ces édifices de la ruine. On retrouvera dans certaines églises une pénombre romane propre au recueillement, des peintures semblables à celles qui ornaient murs et statues au Moyen Age, des chapiteaux réalisés avec beaucoup de soin, comme ceux de Chenac ou le calvaire d'épargnes (1861-1863), exécutés par l'ornemaniste Camille Arnold, professeur de modelage de Gustave Courbet. Le célèbre maître-verrier bordelais Gustave-Pierre Dagrant a réalisé les vitraux des églises d'Etaules, Mortagne-sur-Gironde, Saujon (1913-1922) et Saint-Palais-sur-Mer (nouvelle église en 1912).