L'esturgeon et le caviar de la Gironde
René Val, historien de Saint-Seurin-d'Uzet :
Photo prise par mon père Edouard Val, éditée en carte postale. Immeuble de gauche : pension de famille restaurant d’où est partie la dégustation primitive du caviar en 1933. Assis sur le trottoir mon frère Jacques, aviateur disparu pendant la guerre de 39-45. Debout près de la fenêtre moi-même âgé à cette époque de 14 ans. La dernière maison à droite était devenue depuis 1939 la seule auberge existant à St-Seurin d’Uzet et avait repris à cette époque, avec succès, la dégustation du caviar.

Un marchand d'Hambourg, une princesse, son parapluie et... Le caviar de Saint Seurin d'Uzet vendu dans le monde entier. René Val, historien de Saint-Seurin-d'Uzet parle avec délice du caviar : du temps où il était donné comme nourriture aux canards avant que ... Monsieur Schwax... puis la princesse russe qui avait fui la révolution, ne s'attarde en Pays Royannais en oubliant son "parapluie de poche"... Il était une fois l'histoire du caviar "origine Saint-Seurin-d'Uzet"...Dégustation immédiate.

Photographie prise par Edouard Val en 1927
Le siècle des Lumières bat son plein, Victor Hugo raconte la pauvreté dans son roman «Les Misérables» publié en 1866. À cette époque en Saintonge Maritime, quelque part entre vallons et estuaire, entre 1868 et 1890, le petit village de Saint-Seurin-d'Uzet loin encore de son rapprochement avec la commune voisine de Chenac (les communes fusionneront en 1965) est visité par un marchand allemand d'Hambourg, un dénommé Schwax.
ll enseigne la préparation du caviar à Monsieur Roux, pêcheur qui jetait les œufs d'esturgeons à la mer. Ce caviar, de mauvaise qualité car trop salé, mal préparé et expédié dans de petits barils, revenait en France sous une étiquette russe. Les œufs étaient alors payés 20 centimes (de francs) le kilo.
En 1902, la maison Toutblanc, ayant appris que l'on pêchait l'esturgeon à Saint-Seurin-d'Uzet, envoya un spécialiste sur place pour mettre au point une nouvelle formule de préparation qui se révéla encore imparfaite. 1914 : la Première Guerre mondiale éclate et mobilise la plupart des pêcheurs, l'activité cesse. Seul le caviar en provenance de la Mer Noire est importé en France, au compte-goutte. À la fin de la guerre, les pêcheurs survivants se désintéressent de la préparation du caviar. Quant aux jeunes marins, ils ignorent tout du produit, de sa valeur. lls le rejettent à la mer ou nourrissent leurs canards avec.
La princesse indignée envoie un sauveur !
Quelques années après, en 1920 (raconte en 1962 un avocat retraité de Rochefort), une belle dame russe qui avait fui la Révolution dans son pays se promène près du port de Saint-Seurin-d'Uzet. Elle porte un minuscule parapluie, très en vogue au début du siècle dernier. Face à l'ancienne minoterie la jeune femme passe devant l'étier, sorte de réservoir où l'on stockait les gros poissons. Quelque chose l'intrigue, elle s'arrête. Dans un français, dit-on, impeccable, elle demande aux pêcheurs ce que faisaient ces poissons. Un vieux pêcheur saisit l'un deux, l'éventre avec son couteau, le vide et rejette les viscères à l'eau; en fait, il s'agissait des œufs à la couleur de jais. Indignée, la dame dit au pêcheur :
C'est un crime que vous commettez c'est avec ces œufs que nous fabriquons le caviar, chez nous, en Russie et c'est une pure merveille!
Elle rajouta qu'elle était la princesse Romanoff et qu'elle se chargerait d'envoyer aux pêcheurs quelqu'un de compétent pour leur enseigner la précieuse formule de préparation des œufs. L'histoire dit alors qu'elle en oublia son ombrelle...

Eventrage d'un esturgeon

Travail du caviar
Comme promis, le spécialiste du caviar arrive dans les années 20 à Saint-Seurin-d'Uzet pour enseigner la bonne méthode, celle qui d'ailleurs, est toujours. Il communiqua la formule à un dénommé Jude Milh, fils du pêcheur Pierre Milh.
À Paris, la maison Prunier qui a connaissance de cette activité, achète le caviar et en prend le monopole puis, en accord avec les pêcheurs, désigne huit points de préparation pour transmettre à d'autres marins la fameuse préparation. Les huit points sont: Saint-Seurin-d'Uzet bien sûr, nommé capitale du caviar saintongeais et girondin (dénomination contestée à Mortagne-sur-Gironde et jalousée à Meschers-sur-Gironde précise René Val), Port Maubert, Les Callonges, Plagne, Caverne, Cambès, Rions et Blaye.
A Saint-Seurin-d'Uzet, il y avait quatre préparateurs: Jude Milh qui commercialisait son caviar sous l'appellation « Caviar de Saintonge » « Parapluie de poche » parce que ce pêcheur est celui qui avait récupéré le parapluie de la princesse russe..., René Milh, son fils, M. Saint-Blancard et M. Ephrem, père.
Les pêcheurs environnants venaient leur porter leur production car ils étaient les seuls agréés par la Maison Prunier. En 1933, M. Belet ouvre un restaurant et une pension de famille à Saint-Seurin-d'Uzet.

Boîtes à caviar

Prix courant du caviar
Grâce à l'amitié entre sa fille et celle du préparateur René Milh, surnommé «le renard de l'estuaire», les deux hommes décident de faire connaître le caviar de l'Estuaire en faisant des déqustations dans le restaurant Belet. Le succès est extraordinaire et fait des émules. Rapidement,on trouve des dégustations de caviar local dans tous les restaurants alentours. Vedettes du spectacles, hommes politiques en villégiature dans la région, à Royan et en Pays Royannais se déplacent à Saint- Seurin-d'Uzet et dans les communes voisines pour déguster l'or noir local,jusqu'au début des années 50.

Mr Mayeur et Jean-Robert Morin son neveu,
Pêché à Talmont en 1950

Mr Roger Mossant et Mr Henri Chaillon juin 1944,
Esturgeon de 300 kg pour une longueur de 3,90 m.
Source : René Val St-Seurin d’Uzet